Assez longtemps, retenir l'illusion, légère, au creux de tes joues aériennes, que tes yeux jamais ne disparaîtront, tes yeux de terre liquide, tes yeux comme les astres : lointains.

Assez longtemps, regarde l'eau dure, et sûre : je suis l'inlassable, le sel qui s'incruste dans ta peau dans la joue l'oreille la naissance des cheveux. Le vent, la langue qui veut de ta peau odorante, ta peau irisée, garder l'âcre obscur et les très lointaines, les non solubles attaches. La brume qui suit, s'évapore, de tes cils à tes lèvres lourdes, de ton cou aux armes de ton front, le lacis invisible et strident. La chaleur, la brûlure qui affleure dans les coups non apaisés de ton sang. Le reflet des reflets dans tes yeux noirs que le soleil, tes yeux opposés, aux rayons lactescents, que le soleil moire.

Assez longtemps, ainsi, inlassable, les abysses de ton visage, dans la lumière poreuse des heures fuyant, heures et abysses fuyant, mais sous la peau qui recouvre ça ne se referme jamais, jamais refroidi le magma effréné. Mais tes yeux de limon ne dissimulent pas tout l'enfoui.

Ainsi laisser courir le bruit de la mer, fort dans les oreilles et jusqu'au fond du ventre, courir le bruit qui rend toutes vies silencieuses.

Derrière ses colonnes dardées le soleil est spongieux, et la mer ne se lasse, et tes yeux sont des navires lourds d'écumeuses, d'inconnues cargaisons.

Regarde l'eau verte et bleue, l'écume qui garde tout : dans tes yeux noirs au noir mêlé de clarté lunaire elle viendra se mirer.

Assez longtemps la retenir, la légère, transparente, l'éphémère illusion - la respiration.

 

(20 juin 2000)

Retour à l'accueil